Lettre Ă une inconnue.
Si vous saviez – permettez-moi de vous vouvoyer – avec quel degré d’ennui j’en arrive à ne me faire que le spectateur d’une amourette qui est plus que compromise et je n’utiliserai pas le talent de mes mots pour vous persuader d’une aventure qui serait compromettante au premier abord parce que vicieuse dans la manière de l’appliquer car maintenant à quoi s’en remettre si ce n’est se dire : « Mais quel est ce goujat qui ose me déposséder de ma raison en m’affolant avec une lettre mystérieuse qui ne peut porter que préjudice ? » Mais si je me dis spectateur c’est que je ne suis pas très loin de votre lieu de domicile et que je devine dans votre physionomie de la pudeur et de la timidité mêlées, à moins que je me trompe et que ce ne soit que le voile d’une beauté lascive sur ce visage dont la finesse est à l’orée d’un ravissement que dompterait tout bon sculpteur de la nature humaine. Mais il est regrettable qu’après l’adolescence la spontanéité rencontre de moins en moins l’occasion de s’exercer, que l’état de nature est d’autant moins sollicité, lui qui manifeste l’originalité du sang, lui qui s’abâtardit, qui perd les qualités du type primitif de sa race. Mais comme je l’ai déjà dit lors d’un de mes poèmes en prose « je crois en la toute puissance de la nature », je crois par ailleurs que des élans de spontanéité reviennent au galop pour nous rappeler cette condition que nous avons choisi malgré nous quelque part, car ce sont les aléas du milieu qui ont modifié notre nature, et qu’il l’a voilé, codifié pour tout dire. Et comme je ne vous surprendrais pas en disant que je fais de « la philosophie pour l’art » et que vous vous en fichez d’autant plus si vous n’avez pas envie de déchirer maintenant cette lettre mais je vous donnerais tout de même un petit conseil car quand je parlais à l’instant de codes vous avez encore la capacité de revisiter le milieu qui a fait votre culture pour finalement établir vos propres conventions et vos propres valeurs afin de vous rendre d’autant plus originale et ce, d’autant plus séduisante. En ai-je pas assez dit ou trop dit ? A vous de choisir car ce sont bien les choix qui feront votre carrière… Et si j’eus la rareté de faire votre connaissance, je serais d’autant plus touché comme vous me semblez indépendante, me serais-je encore trompé ou suis-je vraiment le visionnaire auquel j’attache beaucoup d’importance dans mes écrits ? Sur l’honneur de ma considération la plus amicale, au revoir… ou à Dieu !
Est-ce une invitation, non pas au niveau roman, mais à une élaboration d'un romantisme résurgent?
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En vérité l'art est enfermé dans la nature; celui qui peut l'en extraire, celui-là est un maître.
Albrecht Durer
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