Ă´! Nuits d'Espagne, inoubliables !...
Le train poursuit inexorable, ce pèlerinage aux sources.
En regardant par la fenêtre, je sais que rien n'arrêtera sa course…
Espagne ! Paysages désertiques avec tes champs d'oliviers et de tabac « Mi Tierra d’Extrémadura » Pays de terre rouge aux pierres rocailleuses, figues de barbarie et ronces épineuses.
La route est sinueuse et le train passe parfois sur d'anciens ponts de pierres où coulent en contrebas des rivières descendues toutes fraîches des « Sierras Névadas »
Sous le soleil ardent, des odeurs de résines et de plantes sauvages, ravivent la mémoire de mes tendres vacances.
Je peux, tout en fermant les yeux, deviner le paysage ; Ici défilent les jours heureux de mon enfance !...
Sur les places des villages on peut apercevoir des fontaines antiques, décorées de jolies céramiques. Assises devant leur porte sur des chaises en rotin, des veuves se lamentent, l'éventail à la main.
Sur les murs blanchis Ă la chaux, des fleurs de jasmin exhalent
leurs parfums. Le village s'endort sous un soleil de plomb... Les mouches apprivoisées volent sous la tonnelle, le temps s'est arrêté !... et d’un battement d’ailes… le doux chant des cigales nous invite à la sieste...
Mon pèlerinage se poursuit et je reprends mon voyage dans ce train de nuit qui m’emporte vers la terre d'Andalousie...
Assise sur le sable, je contemple la mer sans trouver de raison à cet insurmontable désir d’évasion.
La mer tangue ivre d'air marin et ondule, saoulée par les embruns.
La joie au cœur je parcours la ville, mes pieds gonflés par la chaleur, étouffent dans mes espadrilles.
Un joli banc de pierre m'invite à contempler le site, j'ôte mes souliers et les secoue sur le pavé mouillé ; un petit tas de sable, s'envole parmi les bulles de savons des trottoirs lessivés et je me dis "que c'est bon de marcher les pieds nus, de sentir la fraîcheur du sol mouillé et la bonne odeur de la terre battue"
Je balaye du regard la ville qui s'étend devant moi… C'est peut être : Séville, Marbella ? Ou encore : Grenade ou Malaga ?
D’étroits escaliers montent vers de luxueuses villas ;
A l’ombre des arcades couloirs et corridors dressent leurs piliers droits comme des matadors.
Dans la vallée se découpent au loin, entourées d'arbres fruitiers, d'antiques cités mauresques, Alhambra désertées aux murs remplis de fresques où l'on peut admirer d'altières tribus barbares, voyageurs assoiffés, montant le regard fier, sur de purs sangs arabes... Dans leur halte précaire, ils ont déshonoré des princesses héritières, rêveuses et languissantes, couchées sur des parterres de fleurs odorantes…
Dans les cours intérieures, de merveilleuses fontaines, désaltèrent le cœur de reines délaissées.
Des patios pleins d'odeurs et des sources anciennes, invitent le voyageur Ă se laisser charmer !..
De cette hauteur, je domine la ville, elle s'étend à mes pieds, toute blanche sous la brise marine. Dans les ruelles raisonne l'écho des guitares espagnoles et les jeunes filles aux robes qui claquent comme des drapeaux, dansent le « flamenco ».
« Las casas del pueblo » sommeillent encore et s'entassent toutes pareilles près du port. Leurs balcons sont fleuris et les cours intérieures aux pavés défoncés ; souffrent sous la chaleur ; A l'heure de la sieste, il faudra arroser, pour que le sol humide se laisse piétiner !...
Mais la lumière décline sous le soleil d’Espagne et dans le lointain se dessine déjà l’ombre des montagnes…Il est tard !...
Les pieds nus, je marche sur la plage… au loin un bateau, vestige d’un naufrage, s'est échoué sur le sable.
Autour d'un feu de bois, un groupe de gitans chantent de leurs voix sans âge. Profondément émue mon cœur d’Esméralda,
ne peux retenir cette envie de danser qui monte en moi ... comme un cri étouffé !...
O ! Nostalgiques et inoubliables Nuits d'Espagne !
Je me souviens de la douceur d'un soir, de nos corps enlacés et des longues promenades sous ton ciel étoilé !...
Je me souviens des terres desséchées, sous ton soleil ardent et des ânes chargés de fruits et de piments.
J'emporte dans mon cœur tes fêtes espagnoles, plein de rires de femmes et de robes en fleurs… J'emporte avec moi toutes tes farandoles, tes "bravo" tes "Olé" tes places de taureaux ; Tes arènes bondées aux chevaux qui s'affolent !...
Nuits d'Espagne à présent il faut nous séparer !...
Mon cœur exilé mais riche de souvenirs... emporte ta chaleur et tes sourires. Tu m'accompagnes dans ce train de nuit,
qui passe les montagnes et me ramène vers…. Paris.
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Les gens vivent comme s'ils n'allaient jamais mourir... Et meurent comme s'ils n'avaient jamais vécu.
Le DalaĂŹ Lama
Nul ne peut atteindre l'aube sans passer par le chemin de la nuit… Khalil Gibran