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     La pétanque - dernier chapitre -
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Expéditeur Conversation
Chibani
Envoyé le :  21/2/2011 12:00
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12087
La pétanque - dernier chapitre -

Cochon qui s’en dédit


Vingt-deux heures venaient de sonner au clocher de l’église. Il faisait nuit. Une lune quelque peu blafarde projetait dans le cimetière l’ombre déformée des croix sur les tombes de granit et de marbre poli quand une vieille chouette, gardienne nocturne de ce lieu, sembla tout à coup intriguée par deux ombres qui ne faisaient pas habituellement parti de ce décor. Comme ils se l’étaient promis, nos deux acolytes s’étaient rendus dans le cimetière à l’insu de tous et même de leurs épouses.

Pour Raymond, toujours respectueux de la vérité, il n’avait pas été facile de mentir à Marguerite. Il s’en était tiré en prétextant qu’il devait arroser sa victoire sans toutefois préciser, ni avec qui, ni en quel endroit. Il savait que, sans être grenouille de bénitier, elle n’aurait pas admis, encore moins compris qu’on puisse aller trinquer sur la tombe d’un mort, même pour lui rendre hommage. Cela frisait le sacrilège.

Robert avait fait les choses en grand. Pastis, olives vertes et bretzels. De quoi tenir un siège, mais de sièges, il n’y en avait pas. Ils s’étaient donc assis sur le marbre d’une tombe mitoyenne de celle de Camille pour porter le premier toast. Premier en tête-à-tête. Leur succès avait déjà été copieusement arrosé d’autant que c’était le cinquième pour Robert qui devenait ainsi le recordman de victoires dans cette compétition.

Dire qu’ils étaient venus à jeun serait exagéré. Ils étaient heureux tout simplement même si en raison du lieu et de l’heure ils ne pouvaient pas le clamer aussi fort qu’ils auraient aimé le faire.
- Tu vois, mon brave Camille, bafouillait Raymond, plus de trente ans à courir après et au moment où ça arrive enfin, tu n’es plus là. Regarde la belle coupe, elle est chouette, hein ! Allez, vieux, tu vas trinquer avec nous. A la tienne, lui dit-il en versant un peu de pastis sur sa pierre tombale.
Raymond s’enflammait. Toute la pression contenue pendant le concours s’échappait sans aucune retenue, chassée par l’abus de boisson auquel il n’était pas habitué.
- Au tour d’Honoré maintenant. Il est où ton partenaire ?
- Juste derrière toi, Raymond. Tu n’as qu’à te retourner.

L’euphorie de Raymond n’avait plus de limite contrairement à son équilibre et plutôt que de se relever, il pivota sur son assise pour se retrouver sur l’autre coté de la tombe qui leur servait de table.
- Et hop, t’as vu Bob, c’est comme un siège à roulettes, dit-il en versant également une dose de pastis sur la tombe d’Honoré avant de refaire le plein de leurs verres pour un troisième toast.
- A la tienne, Honoré et merci de m’avoir donné ta place.
Robert aussi avait dépassé sa limite mais il lui restait suffisamment de jugeote pour comprendre que Raymond n’était plus dans son état normal. S’il s’en était amusé au début, il n’avait pas prévu un tel débordement. Un restant de conscience lui dictait qu’il valait mieux arrêter.
- Raymond, on a fait ce que l’on avait dit. Il est l’heure de rentrer chez nous.
- Ah non, pas tout de suite. On a trinqué qu’une fois avec Camille.
- Bon alors un dernier et on s’en va.

Raymond qui avait trouvé pratique de pivoter sur lui-même pour passer d’une tombe à l’autre, renouvelait l’opération, mais emporté par un élan trop généreux, au lieu de faire un demi-tour, il se retrouvait face à la tombe d’Honoré.
- Hé Robert, tu as vu. Honoré, il veut pas qu’on s’en aille.
- Fais pas le zouave Ray, c’est toi qui en est la cause.
- Pas du tout, tu vas voir.
Et de tourner encore une fois pour se retrouver dans la même position.
- Tu me crois maintenant. C’est pas moi, c’est lui, hein !
- Arrête tes enfantillages. D’ailleurs tu n’as qu’à voir, j’ai tout ramassé. Je rentre.
Raymond n’était plus en état de comprendre. Il tournait et retournait sur le marbre de la tombe, oubliant sa tension et son cœur et plus il tournait, plus les tombes tournaient aussi.
- Ho, Robert, où es-tu ? C’est bizarre, je ne te vois plus.
En fait, Robert s’était éloigné pensant que Raymond allait cesser ses comédies et il était bien dans ses intentions de ne pas revenir en arrière quand un bruit sourd le fit se retourner. De Raymond, il ne restait visible que deux jambes au-dessus de la tombe de Camille.
- Non de Dieu, voilà que ce couillon s’est cassé la figure. Raymond, ce n’est pas drôle. Allez viens, on rentre. Marguerite ne va pas être contente.
Mais Raymond ne bougeait plus.
- Il me la jouera jusqu’au bout, celui-là, pensa Robert en revenant sur le lieu de leurs exploits.

Raymond était allongé entre deux tombes dans une position peu académique, la tête inclinée sur le buste et les bras semblant s’être posés sans aucune directive.
- Bon Dieu de bon Dieu, il s’est vraiment sonné ce fada.
Dégagé de sa position puis allongé sur le caveau de Camille, dans la pâle clarté de la lune, Raymond ressemblait à un gisant.
- Mais enfin, mon vieux, on ne s’endort pas comme ça. Si encore tu étais ivre, je le comprendrais mais avec trois ou quatre verres, tu ne crois pas que c’est un peu jeune, non, ponctuait Robert entre chaque claque digne de réveiller un mort.
- Tu te rends compte de ce que tu me fais faire. Allez, lèves-toi !
Robert ne pouvait se résigner à le laisser comme cela. Peut-être que c’était plus grave qu’une simple cuite mais dans la pénombre, il lui était difficile de le juger.

Il avait toujours sur lui une boite d’allumettes pour brûler les sarments de sa vigne après les vendanges. Il en craqua une pour voir le visage de son ami. L’apparence blême de son teint, bien qu’aucune blessure ni hématome ne soient visibles, lui indiqua que ce pouvait effectivement être bien plus grave. Il appliqua deux doigts sur la carotide de Raymond sans ressentir de pulsation.
En temps qu’homme rural, Robert avait des mains calleuses habituées aux durs travaux de la terre et le fait qu’il ne ressentit rien n’était pas forcément le témoignage d’une catastrophe, bien qu’elle commençait à s’imposer à son esprit. Craquant une seconde allumette, il l’approcha au plus près des narines de son ami sans que le moindre souffle ne modifia la forme de sa flamme. Il eut alors confirmation de ce qu’il avait redouté.
- Merde alors, il est mort !



Épilogue


On découvrit Robert le lendemain matin, assis au pied de la tombe de Camille, un verre à la main, trinquant avec un autre à moitié vide, déposé sur le caveau de son ancien coéquipier. Quelques miettes de bretzels jonchaient encore la stèle à ce moment là mais un couple de tourterelles s’était empressé de les faire disparaître depuis.

Personne ne pouvait deviner ce qu’il s’était passé et il était d’ailleurs préférable que personne ne le sache jamais. Le secret avait été décidé pour ne pas nuire à la réputation de Raymond dont le corps venait d’être déposé dans la salle des mariages de la mairie dans la plus grande discrétion.

Bien entendu , une enquête était diligentée par la gendarmerie du canton et Robert avait été un instant soupçonné d’être l’instigateur de cette mise en scène macabre. On ne put jamais le prouver.
Le pauvre avait été si cruellement peiné par cette fin pitoyable qu’il n’avait pas une seule seconde pensé à solliciter de l’aide. Et encore, l’eut-il envisagé, qu’il se mettait au ban de la société de même que son ami Raymond. Comme il n’avait pas pu transporter son corps, il s’était employé à magnifier de cette manière ce triste dénouement.

Quatre jours plus tard, Marguerite tout de noir vêtue, suivait le convoi funéraire, entourée de ses cinq enfants, de leurs conjoints et petits enfants. Venaient ensuite, les anciens combattants portant haut le drapeau, l’harmonie municipale et l’amicale bouliste du village. Maurice et Désiré fermaient la procession.
Le ciel gris et maussade s’était mis au diapason de l’événement et cadençant la triste marche du corbillard surchargé de témoignages, les cloches de l’église ponctuaient de leur mélancolique glas sa lente progression.

Tous les habitants, voisins et amis, étaient sur le pas de leur porte commentant la surprenante nouvelle qui, quand même filtrée en partie, avait circulée comme une traînée de poudre. Raymond était mort en allant partager sa victoire avec son ancien équipier.

L’église était trop petite pour contenir tout ce monde. On avait donc installé à l’extérieur un haut-parleur pour que ceux qui n’avaient pas pu entrer puissent écouter l’oraison funèbre du prêtre. Oraison particulièrement apologique sur l’amitié qui avait réuni, pendant de si nombreuses années, Raymond et Camille.

- Ne soyez pas tristes, mes frères, c’est Dieu qui l’a ramené à lui dans son infini bonté. Bien sûr, c’est un jour de deuil pour ceux qui restent, mais réjouissons-nous, notre ami Raymond va pouvoir se reposer sous cette terre qui l’a si souvent vu jouer avec Camille qui nous a quitté l’hiver dernier. Ils formaient une équipe indissociable, appréciée de tous et ils nous manqueront. Nul doute que là-haut, ils seront à nouveau ensemble et remercions le seigneur, dans son infini bonté, d’avoir offert à Raymond la possibilité de gagner son dernier concours.
Prions, mes frères, pour le repos de son âme.

Dans le fond de l’église où Robert s’était isolé, personne ne l’entendit marmonner ‘et pour la mienne aussi’. Peut-être que, plus tard, quand ce sera son tour, il se décidera enfin à confier son secret.

En ce triste jour, le nom de Raymond allait être mentionné deux fois à postérité. La première, gravée au-dessus de trois boules incrustées dans le marbre de sa tombe, la seconde peinte sur le tableau d’honneur du Club.

Poupou avait vécu, Raymond le perpétuait.

Chibani
cyrael
Envoyé le :  12/3/2011 16:14
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 30/10/2005
De: ****
Envois: 83453
Re: La pétanque - dernier chapitre -


déjà tout lu..mais je tenais à vous féliciter

pour ces chapitres ..sur la pétanque

amitiés,

excellent w end CHIBANI .bises d'amitié


On découvrit Robert le lendemain matin, assis au pied de la tombe de Camille, un verre à la main, trinquant avec un autre à moitié vide, déposé sur le caveau de son ancien coéquipier. Quelques miettes de bretzels jonchaient encore la stèle à ce moment là mais un couple de tourterelles s’était empressé de les faire disparaître depuis.




http://youtu.be/ieRr57EsZkI

La sagesse commence dans l'émerveillement.
Cette sagesse est de Socrate (470-399 av. J.-C) ; Sagesse grecque.


----------------
EVELYNE NADINE

MrsDreams
Envoyé le :  21/5/2011 14:56
Plume d'or
Inscrit le: 4/3/2011
De:
Envois: 1936
Re: La pétanque - dernier chapitre -
:'( :'( Bouhouou la fin est triste... mais l'équipe est au complet au paradis de la pétanque ... J'ai beaucoup aimé la tournure de cette dernière partie


----------------

Chibani
Envoyé le :  15/6/2011 16:42
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12087
Re: La pétanque - dernier chapitre -
Citation :

MrsDreams a écrit :
:'( :'( Bouhouou la fin est triste... mais l'équipe est au complet au paradis de la pétanque ... J'ai beaucoup aimé la tournure de cette dernière partie



Il me fallait une fin et bien voilà.... c'était celle là. Finir au paradis des boulistes... quel exploit !

Chibani
Envoyé le :  28/5/2013 10:03
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12087
Re: La pétanque - dernier chapitre -
Citation :

cyrael a écrit :


déjà tout lu..mais je tenais à vous féliciter

pour ces chapitres ..sur la pétanque

amitiés,

excellent w end CHIBANI .bises d'amitié


On découvrit Robert le lendemain matin, assis au pied de la tombe de Camille, un verre à la main, trinquant avec un autre à moitié vide, déposé sur le caveau de son ancien coéquipier. Quelques miettes de bretzels jonchaient encore la stèle à ce moment là mais un couple de tourterelles s’était empressé de les faire disparaître depuis.




http://youtu.be/ieRr57EsZkI

La sagesse commence dans l'émerveillement.
Cette sagesse est de Socrate (470-399 av. J.-C) ; Sagesse grecque.



Je viens seulement de regarder la vidéo qui accompagnait ton commentaire Maryjo. Superbes images qui portent à la nostalgie, à la réflexion et l'une d'entre elle a tellement marqué ma rétine que j'ai immédiatement mis sur mon cahier deux vers qui me serviront certainement à écrire un poème dans un moment de repos .. peut-être en écoutant encore la mélodie qui l'accompagne.

Merci Maryjo. GUY
voile59
Envoyé le :  28/5/2013 20:41
Plume d'argent
Inscrit le: 27/7/2006
De: LILLE
Envois: 354
Re: La pétanque - dernier chapitre -
Bonsoir

Je reviens d'une longue longue éclipse et je tombe sur ce texte. ça m'a réveillé.
Il faut absolument que je lise les trois premier chapitres.
Chibani
Envoyé le :  21/7/2014 16:39
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12087
Re: La pétanque - dernier chapitre -
Citation :

voile59 a écrit :
Bonsoir

Je reviens d'une longue longue éclipse et je tombe sur ce texte. ça m'a réveillé.
Il faut absolument que je lise les trois premier chapitres.


Et alors maintenant que c'est fait... qu'en dit-on dans la voilure ?
cyrael
Envoyé le :  22/2/2015 16:22
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 30/10/2005
De: ****
Envois: 83453
Re: La pétanque - dernier chapitre -
Je viens seulement de regarder la vidéo qui accompagnait ton commentaire Maryjo. Superbes images qui portent à la nostalgie, à la réflexion et l'une d'entre elle a tellement marqué ma rétine que j'ai immédiatement mis sur mon cahier deux vers qui me serviront certainement à écrire un poème dans un moment de repos .. peut-être en écoutant encore la mélodie qui l'accompagne.

Merci Maryjo. GUY

merci CHIBANI
GUY


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EVELYNE NADINE

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