Tous mes rivages sont des déserts
Tous mes rivages sont des déserts où s’étalent les fantômes fatigués; gisants invisibles dont je perçois l’étrange respiration. Effroyables présences qui écartent les mouettes crieuses, parties rejoindre l’oubli intemporel. Y a t-il une âme qui puisse m’entendre ? M’expliquer ?
M’expliquer, pourquoi mon histoire s’efface, qu’une heure suffit à recouvrir mes pas. Il y a des tempêtes derrière moi. Je fuis en avant. Je fuis vers un autre péril, un passage obligé pour exister.
J’avance sur le sable brûlant qui aspire à la vague, à l’écume d’un impossible amour, et même à quelques mirages ou joueraient mes fantasmes. Le vent forme des tertres mouvants qui rencontrent des dunes, seins grenus …seins grenus et ronds à perte de vue livrés à la métamorphose ; j’ai soif d’aimer, ils réclament des caresses; alors, pourquoi pas, quelques pas encore jusqu’à la pulpe de mes doigts pour jouir de leur douceur avant qu’elles ne s’évanouissent à leur tour. Que faire ? Rester là à goûter le présent ? L’esprit ancré dans le présent ne creuse-t-il pas sa tombe…Quelque chose me souffle que l’oasis est proche, que j’y trouverai un élixir de jouvence, des dattes aphrodisiaques, et un futur souriant aux lèvres d’une femme.
J’en appelle aux esprits, aux dieux, parfois à Dieu lui-même, avec cette force qui soulève les montagnes et qui, finalement, vous anéantit sans vous détruire totalement. Je ne suis ni scorpion, ni hyène, ni chacal. J’aurais préféré être une rose des sables sculptée par une main divine, dussè-je devenir mortel dés son premier regard : celui d’un être dont les rivages sont des déserts…Y a –t-il une âme qui puisse l’entendre, lui expliquer, pourquoi son histoire s’efface, qu’une heure suffit à recouvrir mes pas ? Et cette respiration étrange des gisants en quête d’éternité ?
Pierre WATTEBLED – le 13 décembre 2010
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