Plume de satin Inscrit le: 19/3/2008 De: Envois: 43 |
De l’écriture. L’orthographe n’est plus ce qu’elle était. Au siècle dernier toute faute était impitoyablement sanctionnée, et dans mon école la religieuse qui la dirigeait ne tolérait aucun écart. Même le simple oubli d’un accent circonflexe sur un subjonctif, entraînait la sanction : il fallait réunir ensemble le bout des cinq doigts, les tendre vers la maîtresse, et attendre les yeux fermés la frappe de la règle. Sœur Marie utilisait pour sévir une règle en bois, aussi par crainte de la punition, les fautes d’orthographe sous sa férule étaient-elles très rares. Une autre religieuse préférait s’armer d’une règle d’acier aux arêtes vives, qu’elle maniait avec une vigueur qui enlevait la moindre velléité de liberté d’écriture. C’était une sainte femme, amoureuse de la grammaire et de la syntaxe, que les élèves on ne sait pourquoi, avaient surnommée sœur Lucifer. Avec elle aucune faute n’apparaissait jamais, quelle que fût la difficulté, et à la condition que ce fût sous sa surveillance, nous aurions tous réussi sans faillir la dictée de Bernard. Les choses ont favorablement évolué avec les progrès de la société, et en l’absence de sœur Lucifer, aucune règle n’est plus respectée. L’apparition des SMS a enfin permis de s’affranchir de la dictature de l’orthographe, et de goûter aux délices de l’écriture phonétique qui est amplement suffisante pour communiquer avec ses semblables. C’est ainsi que : — Qu’est-ce que c’est ? a été avantageusement remplacé par : — kskc ? bien plus simple à écrire. Il y a aussi : Askip pour : A ce qu’il paraît, ou : Mdr pour : mort de rire. D’autres préfèrent avoir recours aux tics de langage qui ne nécessitent qu’un vocabulaire restreint, et offrent l’avantage de ne solliciter qu’un minimum de neurones. C’est ainsi que pour signifier par exemple qu’un ennui passager a été sans conséquence, la dernière mode serait de dire : — C’est vrai que j’étais en mode zen, et qu’au final, je ne me suis pas inquiétée grave on va dire, et du coup, y a pas de souci. Voilà . L’avantage de ce mode d’expression est de ne nécessiter qu’un vocabulaire restreint, car la même phrase peut servir dans toutes les circonstances, il suffit simplement de changer un mot de-ci de-là .
Hélas cette admirable modernité impose de connaître l’alphabet, mais par bonheur pour ceux qui se permettent le luxe de l’ignorer, sont apparus les émoticônes et les émojis, qui permettent de communiquer par des icônes toutes faites. Il y aussi les smileys, un peu passés de mode, car ils nécessitent d’utiliser un clavier, ce qui est compliqué. Pourtant on peut tout dire avec des smileys, et même sans fausse honte parler de : 8===D et de : {(‘)} On voit clairement si l’on dispose de quelques connaissances en anatomie, que ces admirables caractères désignent avec élégance les sexes masculin et féminin. Evidemment ceux qui en sont restés à la regrettable façon d’écrire de Chateaubriand, restent hermétiquement fermés à ces excitants symboles.
Il y avait au palais de l’Elysée, il y a peu de temps, quelqu’un qui occupait de hautes fonctions, ce qui lui permettait de prendre des libertés avec la diction et avec la langue française. Il était accoutumé dans ses phrases à remplacer les espaces entre les mots, par des points. C’est ainsi qu’il se plaisait à dire : — La France. Elle va. Mieux. C’est peu de dire qu’un tel discours haché, manquait de fluidité, aussi François était-il peu écouté, exception faite par ceux qui par obligation professionnelle y étaient contraints. Comme si ces fautes de diction ne suffisaient pas, il affectionnait le recours au déplorable redoublement du sujet, infligeant ainsi la double peine à la langue de Victor Hugo. Ce qui mettait les Académiciens au supplice, car ils eussent cent fois préféré : — La France va mieux. Cela devait être vrai puisque Emmanuel renchérit sur son mentor, en affirmant : — La République elle est inaltérable. En termes techniques cette tournure est appelée la dislocation à gauche, ce qui est reste en accord avec les opinions politiques de François. Il existe aussi une dislocation à droite, qui donnerait par exemple : — Elle est inaltérable la République. Peu importe d’ailleurs que l’on disloque à bâbord ou à tribord, cela ne trompe personne, tout le monde sait bien que c’est faux. Cette infantile façon de s’exprimer, pour ne pas dire bêbête ou même cucul, trouva un écho très favorable surtout auprès des journalistes de télévision, qui depuis l’utilisent le plus souvent possible, en particulier Laurent de BFMTV qui en est fanatique. Ce n’est hélas pas le seul, et le mal se répand sur le petit écran. Il devient viral comme disent les journalistes, mais pour l’instant la contagion n’a pas encore contaminé la presse écrite, mais patience, cela viendra. Les politiques en revanche sont durement touchés, de même qu’une majorité croissante des invités du petit écran. Jean-Louis récent retraité du Conseil constitutionnel est hors-concours car il réussit l’enviable exploit de redoubler le sujet à chaque phrase. Or comme c’est la télévision qui fait la langue et non l’Académie Française, nul doute que la dislocation deviendra la nouvelle règle du bon français. Il ne faudrait cependant pas croire que le redoublement du sujet fut le seul trait marquant des discours de François, car il prononça aussi des phrases qui marqueront l’histoire, comme : — Ça ne coûte rien, c’est l’Etat qui paye. Les contribuables en restèrent sans voix. Mais ils ne furent pas les seuls, car François lui aussi resta sans voix, au point qu’il renonça sagement à candidater. Autrefois on aurait dit : postuler, mais c’était moins élégant.
J’apprends avec intérêt sur 01net.com que Aymeric et Pierre se sont mis à deux pour signer cette nouvelle épatante: La nouvelle montre d’Apple, vient d’être leackée. Renseignement pris, ce n’est ni du français ni de l’anglais, ce n’est même pas de la novlangue, c’est du franglais, une sorte de sabir, qu’emploient volontiers ceux qui veulent faire montre de l’étendue de leur culture. Ecrire : dévoilée, par exemple leur eut paru être de l’argot.
Heureusement que d’autres à Bruxelles, veillent sur la pureté du langage, et depuis 2013 la règlementation européenne impose aux poissonniers d’afficher le nom scientifique des poissons qu’ils proposent à la vente. C’est ainsi qu’ils doivent spécifier : Mullus surmuletus, pour le rouget de roche, et Mullus barbatus, pour le rouget de vase. Les pêcheurs du Vieux Port à Marseille, dont certains ignoraient le latin, en ont fait récemment la cruelle expérience, en ayant été frappés d’une amende allant de 400 à 1500 €.
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